Au premier tour d'horizon sur les sites Internet savoyards, la falaise d'Ablon est plébiscitée en tête des secteurs majeurs autour d'Annecy.
Au bilan, il n'y a aucun doute là-dessus : le cadre grandiose dans les verts alpages réhaussés de forêts denses, la tranquilité bercée par les cloches des troupeaux, le rocher gris agrémenté de picots et ciselé de quelques cannelures plus ou moins géantes, traces des goutières se déversant en minces filets (ou grosses cascades ?) depuis le sommet sur un mur aussi vertical que compact.
Tout est là ...
... si on trouve le site !
Armés du topo de Robert Durieux comme la veille, les pauvres touristes marseillais confirment qu'il manque parfois un micro détail dans le descriptif pour ne pas avoir d'hésitation sur la route à choisir. Un conseil : recouper les informations avec plusieurs sources : avec celles du site "Escalade 74", celles de la fiche de Camptocamp, ou encore sur Grimporama ...Rien de grave, juste un aller-retour injustifié.
Déboussolés dans ces montagnes chargées d'Histoire, les grimpeurs désorientés en sont quitte pour visiter les recoins du plateau des Glières, Haut-lieu de la Résistance avant de découvrir le bon carrefour et la bonne route.
Sur l'aire bien dégagée choisies pour les parachutages d'armes en 1944 en faveur de la Résistance, siège maintenant le Monument national de la Résistance du maquis des Glières.
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Le devoir de mémoire se retrouve jusque dans les pages du topo avec un retour sur les terribles heures vécues dans ces prairies paisibles. A lire entre deux essais !
Longer la falaise du Col des Glières (en photo ci-dessous) est une erreur ! Il faut prendre à droite dans la descente juste après le col.
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Le parking est obligatoire ici (même si la barrière est ouverte).
A la barrière, les panneaux rassurent sur la bonne destination ! Approche en 45 minutes.
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Le ruissellement semble accaparer la falaise et ruinée la journée. Non, vu l'étendue du site, de nombreuses voies sont sèches et praticables.
Le secteur de "La ligne du temps" offre quelques possiblités. D'après le topo, c'est le plus fréquenté. Les prises sont usées mais pas autant que dans certaines écoles des Calanques !
Résistance, le maitre mot du jour !
Résitance qu'il faudra conserver jusqu'au soir quand les guerriers de l'escalade auront affronté la longue marche à travers bois et surtout supporté le froid saisissant digne d'une matinée de janvier. Et pourtant, le printemps cède sa place à l'été ... sur le calendrier en tous cas car dans les faits, on en est bien loin.
La résistance s'active aussi sur les parois. Non seulement, il faut lutter contre les difficultés de la circulation sanguine jusqu'aux extrémités contractées mais en plus, il faut encaisser la claque retentissante des cotations où le 6a n'est pas une marche d'approche mais une litanie désépérée maudissant la maigreur des prises et l'arrondi des règles pas assez crochetantes.
[Et si le problème venait juste du grimpeur trop habitué aux bacs en dévers ... ]
Dans "Pinsomania", la première partie en 5c devient presque aléatoire avec l'humidité. La suite en 6b laisse perplexe : une section bigrement sur les pieds pour atteindre l'amorce de fissure inversée. La dalle n'incite guère à la chute et immobilise les volontés fragiles.
La confrontation avec la réalité est brutale : pas de quoi fanfaronner ici ! |
Pavoisant presque dans le 7, la veille, il faut se contraindre à maugréer en travaillant vainement les crux de vulgaires 6b . Dingue ! A force de cotoyer l'inflation galopante des cotations des sites modernes, le retour à la réalité des sites de technicien est bien rude !
Au prix d'une motivation inébranlable, la journée sera tout de même remplie : pas de croix ultimes mais de belles voies, d'efforts prononcés et de rigolades insensées .
En résumé, s'il est un bagage qu'il ne faut pas oublier pour s'amuser sur les faces de la perfide Ablon, ce n'est pas le bagage linguistique (à réserver à la "perfide Albion" ?), mais bien technique : chaussons serrés, valorisation des poussées, cuisses sur-développés et éventuellement doigts vigoureux ! Tel est le contenu de cette valise.
En bricolant avec les moyens du bord, pas besoin de canne à pêche téléscopique pour pré-mousquetonner la première dégaine ! Une branche morte, une dégaine Panic dont le mousqueton reste ouvert et un vieux morceaux de strap à peine collant feront l'affaire.
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Auto-flagellation devant tant de pauvreté technique ? Non, application de la "méthode du bucheron" pour aviver la circulation sanguine jusqu'au bout des bras ; "vas-y ! tape plus fort !"
Ablon le 20 juin 2010 from CMEL on Vimeo.
Admirez au passage le couvre-chef ! Réclamée par les conditions climatiques, la tête, élément primordial dans la lutte contre le froid, doit être recouverte. La proximité de l'été laisse les bonnets au placard et c'est un sponsor impromptu qui sauve la mise : le bob du plus marseillais des fournisseurs d'apéritifs anisés !
Après quelques essais possibles grâce à la dégaine pré-mousquetonnée, enfin, Guillaume trouve une méthode valable dans le départ de "Beurre ou ordinaire". C'est là que réside la difficulté de ce 6b ... coriace ? Un mélange de coordination entre la poussée des pieds, l'orientation du corps et la bonne saisie des réglettes patinées !
Ca l'air évident au final, mais il a fallu décrypter le rocher et la méthode n'était pas si intuitive ! |
Avec ses trous et sa livrée ocre, la voisine "Ah que ouais" met les sens aux abois. Passer le premier point, la section bloc arrive et confirme le 6c dans le même style : précision, bon choix des trous et poussée franche des pieds.
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Quelques pas plus haut mais plus abordables.
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Plus à gauche, le secteur Gribouille est également sec. La hauteur raccourcie ne suffit pas à masquer l'attirance pour ce gruyère. L'apparente taille des prises et sa profusion trompent ; l'effort est réelle quand il faut serrer les plats du départ de "C.K.C." en 6b.
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"Gribouille", la voisine est à l'inverse beaucoup plus discrète sur les prises. Le camouflage est réussi mais les prises sont en nombre suffisant pour ce 6b sympa.
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Du 5 au 8, les difficultés sont variées à Ablon. Elles se concentrent sur le 6.
La leçon ne s'arrête pas là : l'altitude garantit une relative fraicheur pour l'été (... quand les caractéristiques qui l'accompagnent normalement sont vraiment présentes). Sinon, la panoplie de protection contre le froid est nécessaire : bonnet, polaire, gants, pantalon, collant, ...
Pas de résurgence à proprement parler mais les photos en témoignent largement, des coulées sur toute la falaise. L'immensité de celle-ci laissera suffisamment de lignes pour grimper. Mais pas forcément celles convoitées.
Les touristes pourront grimper au hasard du calcaire sec et les locaux sauront éviter la visite dans ces conditions.
Point blanc au deuxième relais de "la ferme du bonheur", le grimpeur occupe sa descente en rappel à s'extasier sur les délices d'une telle escalade ! |
Un dernier plaisir : parcourir d'une traite les trois longueurs de "La ferme du bonheur". En récupérant au passage les dégaines rapprochées, une quinzaine suffit à rejoindre le relais sommital pour une ballade exceptionnelle de 60 mètres. Superbe ! Le 6a+ de L2 est physique mais passe bien. Aventure à tenter avec la marge suffisante pour ne pas envisager la chute (vu la corde déployée, les retours sur vires sont imparables). La descente en rappel se fait largement avec une corde de 75 m.
Sur le retour, dernières illumination d'un soleil invisible jusque là !
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En été, la ferme d'alpage ouvre ses portes aux troupeaux de vaches (productrice de lait pour le fameux reblochon local) mais aussi aux grimpeurs désirant séjournés sur place plusieurs jours. Le gite a son propre site de promotion précisant la période d'ouverture et la prestation. Entre la qualité de l'accueil et de la table, les avis sont favorables ; n'hésitez pas !
En guise de conclusion, Robert Durieux, le découvreur et principal équipeurs du site, livre ses impressions dans l'interview de Grimporama sur cette falaise et prévoit encore quelques nouveautés vers la gauche de la paroi ... dans un style légèrement différent avec plus de trous ... comme sur les calcaires du Sud ...
A suivre ...